Le 13 juin dernier, la Société française des traducteurs a publié une prise de position sur l’intelligence artificielle et la place qu’elle confère à l’humain dans nos métiers. Mais l’IA signe-t-elle vraiment la fin de la traduction humaine ?
Commençons par un peu de contexte : l’intelligence artificielle est née dans les années 1950. Elle désigne les outils qui utilisent un algorithme pour permettre à une machine de « reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité »[1]. Aujourd’hui, les progrès récents en font un facteur essentiel de la transition numérique.
En 2023, l’IA générative a fait son apparition, provoquant un séisme dans le secteur : il est désormais possible de générer du texte dans quasiment toutes les langues. Cette technologie est donc à juste titre devenue une priorité sur le marché, notamment car de nombreuses agences demandent désormais aux linguistes de corriger la traduction machine produite par l’IA. Ce processus s’appelle la post-édition et il est de plus en plus répandu dans nos métiers.
La prise de position de la SFT à ce sujet est claire, illustrant l’avis relativement unanime des linguistes sur cette évolution : « 70 % de nos membres traductrices et traducteurs ayant répondu à notre enquête considèrent la post-édition (et par extension l’IA) comme une menace pour leur activité. Du côté des interprètes aussi, la concurrence de l’IA se classe en première position des préoccupations ».
Cette nouvelle technologie implique de nombreuses conséquences, notamment celle de faire évoluer la demande des clients. Boosté par une confiance accordée à ces outils gratuits, peu entraînés et donc peu fiables, le marché contribue à la disparition de nos métiers et à la publication de textes de piètre qualité. Car si l’IA permet de respecter des délais plus serrés, cela se fait au détriment de la qualité des documents, qui est pourtant la priorité des professionnel.les de la traduction. Le sens est transcrit, certes, mais pour y arriver, l’intelligence artificielle recoupe tous les corpus bilingues disponibles pour en faire un cadavre exquis qui n’exclut pas les omissions, les faux sens, voire les contre-sens.
Sur le plan humain par ailleurs, comme l’explique si bien la SFT, la démocratisation de l’IA dans le secteur de la traduction provoque une détérioration de nos conditions de travail. La tendance du marché est à la post-édition pénible et mal rémunérée, une tâche plébiscitée par peu d’entre nous, mais pourtant largement imposée pour des raisons d’économies d’échelle. Cette évolution décourage aussi bien les jeunes diplomé.es que les plus aguerri.es, privant le secteur de certains de ses meilleurs éléments qui préfèrent changer de carrière.
Autre argument, et de taille, celui de la confidentialité des documents fournis aux intelligences artificielles. Car si les professionnel.les de la traduction adoptent des processus variés pour garantir la non-divulgation de vos fichiers (notamment la mise à jour régulière des outils pour bénéficier des dernières protections contre les vulnérabilités, l’utilisation d’un gestionnaire de mots de passe ou encore l’assurance de ne jamais partager d’informations personnelles sensibles en ligne), ce n’est absolument pas le cas d’une intelligence artificielle. Au contraire, celle-ci utilisera le texte que vous lui donnez pour ses traductions futures, se nourrissant de tous les fichiers précédemment traduits pour améliorer son efficacité. Confidentialité, vous dites ?
Que faire face à l’IA ?
Si les évolutions sont telles, quelle posture adopter face à l’IA qui paraît comme une menace pour nos métiers ? En réalité, notre profession a déjà été confrontée à des avancées technologiques qui ont permis de la faire évoluer, sans pour autant mener à sa disparition. Nous nous sommes appropriés les nouveaux outils, les nouvelles ressources et les nouvelles méthodes de travail. Si les avancées technologiques peuvent sembler inquiétantes, il apparaît tout de même que l’IA pousse l’humain dans ses retranchements. Un facteur humain qui doit, comme le rappelle bien la SFT, « rester au cœur du processus de traduction ».
Mais ne nous voilons pas la face, ces évolutions technologiques n’ont pas fini de provoquer des déflagrations sur le marché du travail. La vision du métier pour l’avenir reste floue, voire décourageante pour une grande partie d’entre nous. Une seule conclusion possible pour soutenir notre corps de métier, lutter contre la précarisation et assurer la confidentialité de vos documents : faire appel à un.e professionnel.le de la traduction pour vos projets personnels ou professionnels.
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